Fr. A. Pfleger : Une excursion mouvementée (Août 1924)

Une pratique ancienne : prendre des otages et demander une rançon !

La Communauté part pour trois jours. But : le Kainak-Tchalan (2700 m.) sur la frontière grecque.

Nous prenons le train de Kravari . L’ascension se fait sans incident. A mi-côte une pluie fine nous surprend. Après une zone d’épais nuages, un soleil radieux nous accueille au sommet qui domine une chapelle entourée d’un cimetière serbe. Aux alentours , des tranchées à moitié comblées. La pluie a mis à jour des ossements bulgares auxquels nul n’a songé donner une honorable sépulture.

La chapelle est ouverte.

La chapelle est ouverte. Une veilleuse à huile monte la garde dans ce lieu solitaire. Sur un plateau des centaines de dinars. Dans le royaume des comitadjis personne n’a l’idée d’aller voler dans une église.

Pour le retour nous prenons un autre versant. A nos pieds de gros nuages font l’assaut de la montagne. Bientôt nous pénétrons dans le brouillard et nous sommes surpris par la pluie. De temps à autre nous rencontrons des troupeaux de moutons.

Des balles sifflent au-dessus de nos têtes.

La soutane retroussée, le chapeau tricorne sur la tête, un mouchoir dans la nuque et un bâton à la main, nous avons l’air peu rassurant. Tout à coup des coups de fusils. Des balles sifflent au-dessus de nos têtes. D’où partent-elles ? Nous n’apercevons personne. Devant nous des rochers épars . Pan.

Pan. Pan. Que faire ? Nous nous arrêtons. Il n’y a pas de doute ; l’ennemi se cache derrière les rochers. Frère André s’avance seul, le mouchoir blanc à la main. Deux hommes armés paraissent. Au « Kalimeras » du Frère, ils répondent poliment.

Le quiproquo cesse. Des embusqués sortent de tous côtés. Ils voient que nous ne sommes pas des comitadjis qu’ils redoutent. Eux-mêmes sont une cinquantaine de bergers « cincars » (tsinntsar) avec leurs familles. Sous l’autorité du vieux YANI, ils forment une « zadruga » (clan) et possèdent ensemble plus de 12.000 brebis. En été ils séjournent sur les pentes du Kaimaktchalan et en hiver ils prennent leurs quartiers dans le sud de la Grèce.
Les jeunes gens nous conduisent au camp où le vieux Yani nous accueille aimablement. On nous offre du lait, du fromage, des lokums et du raki…La conversation s’engage. Les uns parlent grec, les autres turc ou serbe…

« Pourquoi avez-vous tiré sur nous ? »

« Pourquoi avez-vous tiré sur nous ? , demande Frère André. Et le vieillard d’un air triste de nous raconter :
« La semaine dernière , des Albanais de passage dans la région ont emmené deux de nos familles. Maintenant ils réclament une rançon de deux mille Napoléons. Si dans dix jours nous ne les versons pas, on les tuera sans pitié. Impossible de trouver une telle somme. Pour prévenir toute autre attaque, l’armée serbe nous a donné des fusils et même deux mitrailleuses »…

F. A. P. (Albert Pfleger)

Extrait des Mémoires de Fr. Hilaire Détraz, (1980)

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