Il convient d’établir des distinctions entre les différents phénomènes d’islam radical qui se manifestent actuellement. Tous les appels à l’islam comme moyen de faire face politiquement aux problèmes du temps ne sont pas lancés par les mêmes types d’individus et de groupes.
Tous ne sont pas conservateurs, oppresseurs de la femme et des libertés individuelles.
En France, l’approche de ces phénomènes se fait rarement dans la nuance, et les chercheurs qui s’y essaient, tel François Burgat - auteur, entre autres ouvrages, de L’Islamisme en face -, sont trop peu nombreux. Si des islamistes sont porteurs d’une vraie légitimité populaire, comment ne pas accepter le dialogue avec eux ?
Les intégristes se prétendent toujours les gardiens de l’intégralité de la foi, même quand c’est pour affirmer que la langue éternelle de l’Eglise est le latin, langue qu’ignoraient le Christ et ses premiers disciples. Ils manifestent, en général, une triste ignorance de leur propre tradition, mettant sur un même plan la louange due à Dieu et le droit de lapider la femme adultère.
L’essentiel, l’éternel, se voit mis au même niveau que des règlements faisant référence à des situations contingentes liées à des moments de l’histoire.
On constate, aujourd’hui, toute la confusion qui règne autour de la définition même de la Sharia, présentée généralement comme loi de Dieu. De celle-ci, les régimes et les groupes qui s’en réclament, comme ceux qui voient en elle une horreur, mettent toujours en avant les dispositions pénales les plus cruelles : amputation de la main des voleurs, lapidation de la femme adultère, exécution du sodomite ou de l’apostat…
Or la Sharia est avant tout une voie, un chemin, une invitation à la conversion. Il s’agit, pour chaque croyant et pour toute société de croyants, de tenter de vivre dans le respect des appels de Dieu.
Au long de l’histoire de l’islam, les manières de codifier les appels divins ont été diverses, les prescriptions contenues dans le Coran ou dans la Sunna (tradition) ont connu des interprétations et des applications qui ont varié selon les lieux et les moments.
Mais, bien entendu, il s’avère plus facile d’instaurer la mutilation du voleur plutôt qu’une société de justice où le pauvre n’est pas acculé à voler. Pourtant c’est de cette dernière exigence de justice pour les peuples dont le Coran est fondamentalement porteur.
Extrait de « Nous avons tant de choses à nous dire : Pour un vrai dialogue entre chrétiens et musulmans » par Rachid Benzine et Christian Delorme (p 209)