L’accroissement de la dureté sociale en Inde (p. 352)

En Inde, l’adoption du modèle libéral s’est accompagnée de changements symboliques pernicieux. La richesse s’est trouvée encore plus légitimée et valorisée qu’auparavant.

En dépit de ces revanches symboliques, l’accroissement de la dureté sociale en Inde n’est pas une simple formule. Les observateurs et les éditorialistes indiens sont les premiers à le dénoncer.
En Inde comme ailleurs, l’adoption du modèle libéral s’est accompagnée de changements symboliques pernicieux. La richesse s’est trouvée encore plus légitimée et valorisée qu’auparavant, ce qui n’est pas peu dire. Le cynisme aussi, dont une des grandes chaînes de télévision faisait la promotion en utilisant ce slogan sans appel : « L’orgueil du propriétaire, l’envie du voisin. »

Tout cela explique l’effarement du philosophe américain Noam Chomsky qui, visitant l’Inde en 1996, y rencontra une élite plus arrogante et plus indifférente aux pauvres que tout ce qu’il avait pu connaître jusqu’alors à travers le monde.
« Pendant longtemps, il est vrai, la tendance proclamée de la politique étatique était en faveur des pauvres de l’Inde. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Les besoins matériels ont été brusquement détachés de toute notion de culpabilité. »

Prenons un autre exemple. Quand on célèbre la « réussite » de l’Inde, on semble ignorer que, chaque année et dans chaque État, plusieurs milliers de paysans endettés choisissent de se suicider. Leur endettement - notamment à l’égard des semenciers qui leur vendent des OGM non réutilisables - explique aussi le récent et dramatique développement du trafic d’organes.
Ici comme dans d’autres pays de l’hémisphère Sud, les paysans pauvres vendent parfois un de leurs reins pour survivre.

J. C. Guillebaud  : Le commencement d’un monde p. 352

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