La Bretagne au XIXe s. : retard dans le développement industriel

Les gouvernements font des efforts pour désenclaver la Bretagne, surtout à partir des années 1860. Mais leur action est ici beaucoup moins forte que dans d’autres régions.

Les gouvernements font des efforts pour désenclaver la Bretagne en mettant en place un réseau ferroviaire, surtout à partir des années 1860.
Mais leur action est ici beaucoup moins forte que dans d’autres régions. De sorte que l’économie se prête à moins d’échanges qu’ailleurs et qu’un véritable bond en avant n’est pas possible.

Il en est de même dans le domaine industriel qui ne connaît ici aucune révolution comme dans le Nord, l’Est ou la région parisienne. En vérité, l’évolution du secteur secondaire est imperceptible sauf dans la Basse-Loire, de Nantes à Saint-Nazaire.
On a accusé trop souvent les ministères de malveillance envers la Bretagne. À tort certainement car celle-ci, éloignée de tout, sans véritable réseau de communication, était dépourvue des richesses de base nécessaires au nouveau développement : la houille, le fer, indispensables matières premières du changement.

L’économie stagne dans la péninsule.

Il n’empêche : l’économie stagne dans la péninsule. A l’inverse d’autres provinces, elle végète dans l’archaïsme. Et les Bretons, qui souffrent de cette infériorité qui leur est dommageable, ne peuvent s’empêcher de s’en prendre aux gouvernants, ce qui ne fait qu’accroître les tensions avec Paris.
Bien sûr, les lents progrès de l’agriculture pourraient servir de compensation et de palliatif. Mais, pour réels qu’ils soient, ils n’arrivent pas à nourrir une population de plus en plus nombreuse, qui passe de 2,2 millions à 3,3 millions d’habitants de 1801 à 1914.

Une forte natalité

L’augmentation démographique se fait sous la pression d’une forte natalité, sans doute sur le long terme la plus importante de France. C’est que les parents chrétiens, obéissant à leur foi et aux injonctions du clergé, acceptent comme sous l’Ancien Régime « tous les enfants que le bon Dieu leur envoie ». Ici aucune contraception pragmatique comme assez généralement un peu partout ailleurs en France à la fin du XIXe siècle. La Bretagne est riche en hommes, pauvre en biens. Elle souffre.

Plutôt que de dépérir, on choisit de s’expatrier

Plutôt que de dépérir, on choisit de s’expatrier, d’émigrer vers des lieux a priori plus prometteurs : Paris surtout - c’est-à-dire en fait ses banlieues -, le port du Havre, Trélazé où, près d’Angers, sont exploitées des mines d’ardoises…
Même si les populations misérables ne s’éloignent pas trop de leur province natale, même si les départs sont échelonnés sur le long terme à partir des années 1830-1840, on peut parler de véritable exode : 400 000 Bretons ont fui leur pays avant 1912. Pour ceux qui sont partis, c’est très rapidement la fin d’un rêve et la prolétarisation.

Et ceux qui sont restés ?

Pour beaucoup d’autres qui sont restés, c’est la misère, temporairement soignée par l’alcool dont la consommation ne cesse d’augmenter ; c’est aussi parfois, et de façon radicale, le suicide qui efface d’un seul coup les horreurs de la vie. Ces réactions extrêmes devant des conditions d’existence de plus en plus dures, leur progression inquiétante au cours du siècle, traduisent évidemment de graves perturbations psychologiques.
Celui qui s’exile connaît sans doute la pire des conditions. Car il perd son identité. Au contact des autres, il ne parle plus son langage traditionnel ; le déracinement, l’absence de prêtres, la fréquentation du monde ouvrier lui font perdre sa foi. Fondamentalement, il n’existe plus.

Extrait de Philippe Tourault : « La résistance bretonne du XV° siècle à nos jours » p. 252

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