Etre français mais rester breton (1914 - 2000)

La population de la péninsule subit durement le premier conflit mondial - La fréquentation d’autres Français procure au Breton un sentiment d’infériorité.

La Bretagne connaît au XXe siècle des destins contrastés : elle traverse les affres de deux guerres qui la meurtrissent davantage que beaucoup d’autres provinces.
Après de vives oppositions à Paris jusqu’en 1939, elle connaît à partir des années 1950 un renouveau économique exceptionnel à l’initiative de ses leaders qui réussissent à imposer leurs vues et leurs volontés aux responsables nationaux. Au point que certains militants bretons décident de s’aventurer sur les chemins de la régionalisation et de l’autonomie, préférant à la tutelle de la capitale celle, apparemment plus clémente et moins oppressive, de Bruxelles.

La population de la péninsule subit durement le premier conflit mondial.

La population de la péninsule subit durement, et plus que les autres, le premier conflit mondial. Une démographie forte, l’importance des générations jeunes lui infligent de douloureuses mobilisations, qui se soldent par le sacrifice de plus de 120.000 vies.
Elle ne se dérobe pas au combat : encouragée par un clergé patriote qui lui dicte son devoir envers la France, elle accepte sans rechigner, dès le début des hostilités, d’être versée dans les unités combattantes, aux premières lignes, les plus proches de la mort.

La fréquentation d’autres Français lui procure un sentiment d’infériorité

Mais si l’intérêt national prime sur tout chez elle, la fréquentation d’autres Français lui est fatale car elle lui procure un sentiment d’infériorité. Bien souvent, les Bretons ne comprennent pas leurs propos, à moins que l’un d’eux, plus instruit, ne leur serve d’interprète. Sans compter que leurs différents dialectes semblent les rendre presque étrangers entre eux…

Dans les tranchées, on ne manque pas de se gausser de ces compatriotes ignares qui ont du mal à communiquer les uns avec les autres : ce sont des demeurés ! Et lorsque l’on finit par pouvoir engager tant bien que mal une conversation, c’est l’occasion pour eux de nouvelles humiliations car ils ne connaissent pas ou peu le confort des temps modernes, à l’inverse des habitants de régions économiquement plus avancées. Très peu de leurs fermes ont l’eau courante : il leur faut encore s’alimenter au puits comme au temps jadis ! Moins de 20 % de leurs maisons sont éclairées à l’électricité. Quant à la douceur du foyer… Les humains cohabitent encore avec le bétail à l’intérieur de locaux peu éclairés, mal ventilés.

Le guerrier se transforme en un homme honteux

Entre moqueries et rires, on leur dit qu’ils feraient mieux d’aller vivre dans les grandes villes industrielles : on y travaille moins qu’à la campagne, on y gagne plus. Alors le guerrier, alors le héros se transforme en un homme honteux, en un misérable qui doute autant de lui que de sa Bretagne éternelle. Celui qui n’est pas tombé sur le champ de bataille revient chez lui avec une horrible flétrissure : il est frappé du complexe du « plouc », que partage bientôt sa « Bécassine » de femme.

Extrait de Philippe Tourault : « La résistance bretonne du XV° siècle à nos jours » p. 266

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