Venons-en à la virginité perpétuelle de Marie, et aux « frères et soeurs » de Jésus. C’est un point second qui n’a pas le même enjeu que le précédent. Au plan de l’histoire, j’en reste à la conviction que la preuve de l’identité exacte de ces frères (issus des mêmes parents ou membres proches de la famille) est indécidable, pour la raison que les évangélistes n’ont pas pris le soin de nous en informer avec précision et que les arguments invoqués se retournent avec une extrême facilité. Cette conviction est partagée par nombre d’exégètes sérieux (dont certains sont même « mondialement connus »).

J. Duquesne ne s’appuie donc nullement sur un consensus des historiens, en posant son titre triomphant de « Marie, mère de famille nombreuse ».
[ Si tous ceux et celles qui sont appelés frères et soeurs de Jésus dans les évangiles ont été des fils et des filles de Marie, celle-ci aurait eu huit enfants.]
Le fait que le grec distingue le terme de frère (adelphos) du terme de cousin(anepsios), alors que l’hébreu ne le fait pas, ne dirime nullement la question de l’extension de l’usage de ce terme de frère à l’époque.
Le sens de la famille nucléaire est très moderne, par rapport à la conception traditionnelle de la phratrie. En tout cas, le mot de frère est utilisé dans les évangiles pour la fraternité spirituelle, comme il l’est encore aujourd’hui dans certaines communautés religieuses, ce qui suppose qu’il était apte à une telle transposition. Enfin, devant tant de mentions des frères de Jésus, comment se fait-il que les hommes du Ve siècle qui ont affirmé, dans le cadre d’une réflexion de foi, la virginité perpétuelle de Marie, n’y ont pas lu une impossibilité radicale ?
Jérôme, bon connaisseur et traducteur de la Bible, a sans doute imaginé des solutions difficilement recevables. Mais il a estimé que le texte évangélique ne lui interdisait nullement de parler de virginité perpétuelle à propos de Marie.
B. Sesboüé :« Marie », ce que dit la foi, p. 11