Il faut souvent passer par l’étape du doute …
ce qu’en pense Jean Guitton
« Demain, sans doute, sous l’effet d’une instruction répandue par les états laïques, ce ne sont pas seulement les élites qui proposeront des motifs du doute ou de négation. L’homme du peuple commencera par le doute.
Mais j’ai confiance que toute critique prépare, en ce domaine comme dans beaucoup d’autres, après une parenthèse de trouble et de purification, l’essor d’une conviction plus sûre, selon cette belle pensée de Newman :
« Ceux qui ont peu de culture, n’ayant pas la tentation de douter, n’ont pas la possibilité d’atteindre la certitude ».
Et plus anciennement, saint Grégoire Le Grand disait avec profondeur :
"Le long doute de Thomas m’a été plus utile que la foi rapide de Madeleine" » (Jean Guitton : Jésus, p 9)
Dieu nous attire à lui, on croit le posséder mais sans cesse il se dérobe. Observons ce que fait une mère quand elle apprend à marcher à son enfant. Elle s’éloigne un peu en l’appelant pour qu’il la rejoigne. Quand il arrive près d’elle la voilà qui recule un peu, invitant son enfant à un effort de plus !
C’est bien ainsi que Dieu procède. On connaît des moments d’illumination au début du chemin, puis la lumière semble s’éteindre. Sera-ce pour de bon ? On est porté à le croire. Mais non, d’autres rencontres lumineuses avec le Seigneur nous sont réservées plus loin, on pourra entamer une nouvelle étape. Sur une plage si le ciel est nuageux des bandes éclairées alternent avec des zones d’ombre. Le soleil n’a pas disparu, il est voilé.
Pour grandir dans la foi des temps de purification sont nécessaires, c’est ce que disent tous les auteurs mystiques. Après la mort de Mère Teresa on fut très surpris d’apprendre qu’elle était passée par des temps d’horribles ténèbres. A la voir on aurait cru que tout était lumière pour elle.
Au début de la conversion, on est si heureux qu’on se croit arrivé ! On remarque bientôt qu’on recherche les consolations de Dieu plutôt que le Dieu des consolations !
Dans une conférence sur le problème du mal le Père François Varillon nous invite à accepter les épreuves de la vie pour être progressivement libérés de notre égoïsme.
→ Comment donner un sens à nos épreuves
Se méfier des fausses pistes
« Eux aussi, pour connaître le Christ et vivre de lui, doivent
- dépouiller les illusions,
- renoncer à le chercher dans la pseudo-présence d’un contact sentimental, et
- refuser de l’embrigader au service des causes humaines.
Ils le connaîtront s’ils savent, conduits par l’Esprit Saint, retrouver son visage dans l’instant présent, au service de leurs frères, des pauvres, de l’Evangile, de l’Eglise.
Ils le connaîtront d’autant plus intimement que leur service sera plus total. »
CHRISTUS, N°174 p. 69 - Jacques Guillet. (juillet 98)
Pour ne pas s’engager sur de fausses pistes ne pas cheminer seul ! Se faire accompagner est indispensable.
La foi de l’autre, un don qui m’est fait.
« La foi de l’autre est ici un don de Dieu, mystérieux bien sûr. Il impose le respect. Il ne prendra tout son sens qu’au sommet de cette échelle qui nous retourne ensemble vers le Donateur unique. Et ce don fait à l’autre m’est aussi destiné pour me stimuler dans le sens de ce que j’ai à professer. Le négliger, c’est manquer à la coopération au travail de l’Esprit, et à la part qui m’en revient. »
(citation de Christian de Chergé, tirée de ’L’Invincible Espérance’) (dans Sylvie Germain, Le Chant des profondeurs)
La foi : un engagement qui contient toujours une part d’irrationnel
« Croire, c’est aussi donner son assentiment. La foi s’apparente à un engagement qui, même réfléchi et argumenté, contient toujours une part d’irrationnel. Si ce n’était pas le cas, la croyance se confondrait avec le savoir et la foi ne se distinguerait pas de la raison.
Pour Newman, cependant, le libre assentiment du croyant ne peut se réduire à l’acceptation passive d’un dogme, d’une « vérité » gravée dans le marbre. Il consiste à se mettre en chemin, à s’engager dans une direction avec l’espoir - et seulement l’espoir - d’arriver à bon port. » […]
« La volonté joue un rôle d’arbitrage ultime. Pour cette raison, on ne peut accueillir sans réserve le prétendu constat si souvent exprimé : « J’ai perdu la foi. » Ce n’est pas si simple. On ne « perd » pas la foi comme on perd ses clés.
Le mécanisme de la décroyance est plus obscur ; il trahit une exténuation de la volonté, l’abandon plus ou moins conscient d’un engagement qu’on ne peut plus ou qu’on ne veut plus tenir. »
« Ce n’est pas la foi qu’on perd, c’est la volonté de croire qui faiblit. […] Ne plus croire, c’est refuser d’assumer plus longtemps le poids de cette « imperfection ». Les raisons qui favorisent la croyance ou déclenchent la décroyance sont donc beaucoup moins simples qu’on l’imagine. »
→ Voir Jean-Claude Guillebaud : Comment je suis redevenu chrétien p. 175
La foi a besoin d’être constamment nourrie
« La foi des fidèles a besoin d’être constamment nourrie par les travaux des exégètes, des théologiens, des philosophes, des spécialistes des sciences sociales. De l’intérieur de la mouvance chrétienne, ceux-ci s’efforcent d’élaborer des réponses, d’éclairer les questions difficiles, avec les méthodes des contemporains et dans le respect de la communauté scientifique environnante.
Si de tels éclaireurs ne se lèvent pas à l’horizon, je crains que l’expérience chrétienne ne verse tout entière du côté du témoignage, de l’échange, du partage fraternel. C’est un aspect fondamental de la vitalité du peuple chrétien qu’il convient de promouvoir.
Mais la foi chrétienne ne peut se résumer à ces pratiques tellement en honneur aujourd’hui. Elle doit aussi participer aux débats de son époque et rencontrer d’autres partenaires loin de l’univers chrétien sous peine de s’enfermer dans des espaces protégés et de ne plus oser en sortir ».
Henri Madelin "Sous le soleil de Dieu, (Ed. Bayard/Centurion 1996)
→ Voir : La foi des fidèles a besoin d’être nourrie par des spécialistes