Purgatoire = amour purificateur (Père Fr. Varillon)

Le bonheur du ciel n’est pas n’importe quel bonheur, il est le bonheur d’aimer comme Dieu aime, sans l’ombre d’un retour sur soi, d’un repliement sur soi.

Le purgatoire n’est donc pas une souffrance qui serait comme imposée, et contre laquelle on se débattrait en vain. Il faut le comprendre comme une souffrance volontairement endurée lorsque, mis en présence de la fulgurante sainteté de Dieu, on ne peut qu’être horrifié par ce que l’on est. Cette horreur de soi devant l’amour est le repentir. Ce repentir, c’est une intensité d’amour qui voudrait compenser la médiocrité du passé : on comprend qu’il naisse spontanément dans l’homme, à mesure que la lumière divine qui l’envahit, le met en face de ce qu’il est. C’est en quelque sorte le bilan vivant de toute son existence, de son entière histoire.

Il faut parler de la joie du purgatoire !

Le purgatoire est une souffrance volontaire
donc, à laquelle on ne voudrait pour rien au monde échapper, et qui est en même temps une joie. Il faut parler de la joie du purgatoire ! Dans un admirable Traité du purgatoire, sainte Catherine de Gênes écrit que rien, sinon la joie du ciel, n’est comparable à la joie du purgatoire, car plus on est brûlé par le feu de l’amour purificateur, plus on se sent, on se voit redevenir pur et capable d’entrer en Dieu. Un peu comme une barre de fer, couverte de rouille et purifiée par le papier de verre, éprouverait, si elle était consciente, la douleur du frottement, mais se réjouirait de voir sa propre rouille ôtée et dissoute.

Il y a en nous ici-bas
un commencement de purgatoire

Quand on est mis en présence de l’amour, on ne peut que désirer aimer. La souffrance est de constater qu’on rien est pas complètement capable. Il y a en nous ici-bas un commencement de purgatoire, lorsque nous éprouvons la plus noble de toutes les souffrances qui est de constater qu’au moment même où nous disons à l’être le plus cher que nous l’aimons, ce n’est pas absolument vrai, car nous nous aimons nous-mêmes davantage, nous nous préférons à lui. […]

Quand je me trouve au chevet d’un homme qui vient de rendre le dernier soupir, lorsque le visage redevient calme après toutes les contractions de l’agonie, j’entends autour de moi les chrétiens qui disent avec foi : enfin, il est heureux ! Je préférerais qu’ils disent : il est enfin capable d’aimer ! Car le bonheur du ciel n’est pas n’importe quel bonheur, il est le bonheur d’aimer comme Dieu aime, sans l’ombre d’un retour sur soi, d’un repliement sur soi, d’une attention à soi. Le purgatoire est ce qui nous rend enfin capables d’être comme Dieu, pure relation à l’Autre et aux autres.

Ce que l’on appelle le Jugement particulier

Ce bilan de notre vie qui nous est découvert, qui, en quelque sorte, nous met à nu, sans possibilité de masque, est ce que l’on appelle aussi, en langage traditionnel, le Jugement particulier (il n’y a pas un tapis vert avec des fauteuils, un juge et des assesseurs !). C’est en effet une seule et même chose que de voir clair en soi, de souffrir de cette clarté et de jouir immensément de la diminution progressive de l’obstacle qui empêche d’entrer pleinement en Dieu.

François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 204

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