L’éventualité de l’enfer

A première vue, si Dieu est amour, l’enfer devrait être impossible.

Le malaise, pour ne pas dire la gêne, des chrétiens devant ce que le catéchisme désigne sous le nom d’enfer est si grand que, pratiquement, on a cessé d’en parler, sauf rarissime exception. Le silence vaut peut-être mieux que des explications qui prolongeraient de vieux malentendus tenaces. On fait bien de se taire, si l’on n’est pas capable de faire comprendre que la négation pure et simple de l’enfer conduit en définitive, sinon à la négation de Dieu et de l’homme, du moins à une mutilation de Dieu, de l’homme et de l’amour.
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 192

A première vue, si Dieu est amour, l’enfer devrait être impossible. Être chrétien, ce n’est pas d’abord croire à l’enfer, c’est croire au Christ et espérer, si la question se pose, qu’il sera impossible que l’enfer existe pour les hommes.
Je note tout de suite — et c’est très important — que si quelqu’un dit que l’enfer existe, il se flatte d’avoir un renseignement que les chrétiens n’ont absolument pas.

Plutôt que de dire « enfer », disons « damnation »

L’enfer n’existe pas comme existe au centre de la Guadeloupe un volcan nommé Soufrière. La réflexion à partir des images bibliques conduit à concevoir l’enfer non pas comme un lieu (dont il faut dire évidemment qu’il existe ou qu’il n’existe pas) mais comme un état, une situation. S’il y a équivoque là-dessus, plutôt que de dire « enfer », disons « damnation », « état de damnation ». Il n’y a un enfer que s’il y a des damnés. Il n’y a pas un enfer qui existerait indépendamment de l’état de damnation.

Or nous ne savons pas s’il y a ou s’il y aura des damnés. Nous n’avons pas à demander à Dieu de nous renseigner là-dessus ! Et nous espérons, nous ne pouvons pas ne pas espérer qu’il n’y en aura pas. On a parfois l’impression que des gens sont ennuyés qu’on ne puisse pas affirmer qu’il y a des damnés, qui voudraient absolument qu’il y en ait. […]

Si je prie pour tous les hommes sans exception, y compris Judas, y compris ceux qui furent des monstres à la face de l’univers, Hitler ou Staline (et nul ne m’obligera à ne pas prier pour eux), c’est bien que j’espère leur salut. Si je ne l’espérais pas, je ne prierais pas. C’est cela qui est premier : la foi au Dieu qui n’est qu’amour et l’espérance de l’universel salut (la liturgie eucharistique le dit bien : « Offrir le sacrifice de toute l’Église pour le salut du monde »).

Mais cette foi et cette espérance impliquent précisément que l’amour dont les hommes sont aimés soit un amour pris au sérieux.

François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 197

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