Un mois plus tard, je suis toujours aussi fidèle à la prière des psaumes, ce qui me sidère. En 1985, j’avais acheté un psautier à l’abbaye de Lérins, au large de Cannes. Ce recueil de poèmes attribué au roi David est le hit-parade de la supplication et de la louange, hérité du peuple juif.
J’aime ce « top 150 » du chant religieux consigné dans la Bible, parce qu’il ne cherche pas à peindre artificiellement la vie en rose. Le psalmiste n’hésite pas à sermonner le bon Dieu : « Pourquoi dors-tu Seigneur ? » (Ps 43, 24) ; « Seigneur, pourquoi tarder ? » (Ps 89, 13) ; « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » (Ps 21, 2) .
Moi aussi, il y a bien des choses que je ne comprends pas et qui me révoltent. Si Dieu est bon et tout-puissant, pourquoi tant de mal dans le monde ? « Dieu respecte la liberté de l’homme », répondent certains clercs. Mais le mal n’est pas toujours le fait des humains : tremblements de terre et inondations existaient bien avant que nous soyons devenus les grands réchauffeurs de la planète ! Depuis des siècles, ces questions du psalmiste sont ruminées dans les synagogues et les monastères. C’est mon tour : mon psautier est écorné à force d’être lu, médité et prié dans le secret.
J’ai compris que le Dieu des chrétiens n’a pas expliqué le mal mais l’a pris sur lui pour accoucher d’un monde nouveau. Il a souffert avec nous : ça me le rend supportable, bouleversant même.
Henry Quinson : « Moine des Cités » p. 18