C. Martini : de gros dégâts dans l’Eglise à cause de l’encyclique « Humanae Vitae »

L’Église a toujours la réputation d’être hostile à tout ce qui touche le corps, ou encore d’être éloignée de la vie. Cette hostilité s’exprime en particulier dans l’encyclique Humanae Vitae […]

Cardinal Martini, le rêve de Jérusalem

Je dois avouer que l’encyclique Humanae Vitae a malheureusement engendré en partie une évolution négative. Beaucoup de gens se sont éloignés de l’Église, et l’Église s’est éloignée d’eux. Il y a eu de gros dégâts. Pourtant la relation personnelle et physique constitue un domaine essentiel de la vie de l’être humain, dans lequel la jeunesse est appelée la première à trouver ses marques. À partir de la puberté, les jeunes connaissent, sur ce plan, de nombreuses turbulences. […]

L’encyclique Humanae Vitae est issue de la plume du pape Paul VI. Je l’ai bien connu et hautement apprécié. […] Ce pape savait écouter ; il se comportait de manière attentive envers les personnes. Avec son encyclique, il entendait être attentif à la vie humaine. […] Je ressens douloureusement le fait que le pape, par son « encyclique de la pilule » (comme on l’appelle couramment), se soit à ce point marqué aux yeux de l’opinion publique. Il a reçu en héritage de son prédécesseur Jean XXIII le Concile comme une tâche à poursuivre ; et il a en effet poursuivi cette tâche avec une grande circonspection. C’est à sa pondération que l’on doit l’ouverture de l’Église, pour laquelle il a pu réunir une grande majorité. […]

Tenir compte des demandes des directeurs de conscience et des jeunes.

L’encyclique a souligné de façon correcte un grand nombre d’aspects humains de la sexualité. Cependant, de nos jours, nous disposons d’un horizon plus large pour aborder les questions touchant à celle-ci. Il y a lieu aussi de tenir compte, bien davantage, des demandes des directeurs de conscience et des jeunes. Nous ne pouvons pas les laisser seuls. Ils ont le droit de nous demander des repères ou des explications concernant les thèmes du corps, du mariage et de la famille. Nous cherchons donc une voie pour parler de manière appropriée du mariage, du contrôle des naissances, de la fécondation artificielle et de la contraception.

Comment l’Église pourrait-elle indiquer un nouveau chemin pour la jeunesse et vers la jeunesse, avec une nouvelle parole ?

Dès 1964, une commission composée de spécialistes des domaines de la médecine, de la biologie, de la sociologie, de la psychologie et de la théologie, a remis au pape Paul VI un rapport détaillé sur les thèmes traités par la suite dans Humanae Vitae.
Mais le pape, mû par un sens solitaire du devoir et une conviction personnelle très profonde, publia l’encyclique. Il s’appliqua consciemment à soustraire le sujet aux délibérations des pères du Concile ; dans ce domaine, il entendait prendre personnellement toute la responsabilité. Mais cette manière solitaire de décider n’allait pas, à long terme, créer des conditions favorables pour le traitement du thème de la sexualité et de la famille. Son successeur, Jean-Paul II, une personnalité puissante, a suivi le chemin d’une application stricte. […]

Montrer un meilleur chemin que celui tracé par l’encyclique Humanae Vitae

Après la parution de l’encyclique Humanae Vitae, les évêques autrichiens et allemands, ainsi que beaucoup d’autres, ont publié des déclarations exprimant leur inquiétude et ont ainsi pris un chemin que nous pourrions poursuivre aujourd’hui. Une période de quarante ans, comme celle que nous venons de vivre - aussi longue que la traversée du désert par Israël -, pourrait nous permettre de porter un regard nouveau sur ces questions. […]

Je suis pour ma part fermement convaincu que la hiérarchie de l’Église peut montrer un meilleur chemin que celui tracé par l’encyclique Humanae Vitae. L’Église y retrouvera sa crédibilité et sa compétence. On sait à quel point le pape Jean-Paul II a aidé à faire revivre la relation entre l’Église et le judaïsme, comme la relation entre l’Église et la science, parce qu’il a prononcé les inoubliables aveux de culpabilité qui exercent un grand effet de nos jours, plusieurs siècles après l’injuste condamnation de Galilée ou de Darwin. Pour les sujets où il s’agit de la vie et de l’amour, nous ne pouvons en aucun cas attendre si longtemps. C’est un signe de grandeur et de confiance en soi lorsque quelqu’un est capable de reconnaître ses fautes et son manque de lucidité d’hier. […]

Le pape ne retirera probablement pas l’encyclique, mais il peut en écrire une nouvelle et, dans cette dernière, faire des pas en avant. Le souhait que le magistère de l’Église dise quelque chose de positif sur le thème de la sexualité est légitime. On en a peut-être trop dit autrefois, du côté officiel de l’Église, dans le domaine du sixième commandement. Quelquefois, le silence eût été préférable.

L’amour touche directement les hommes, ils ne peuvent pas être mis à l’écart de la recherche d’une réponse et d’un chemin dans ce domaine. […]

Cardinal Martini : p. 141 Encyclique Humanae vitae

Carlo Maria Martini, Le rêve de Jérusalem, DDB 2009, page 141 et sv

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