« Quand, la nuit tombée, apparaît au loin, dans la meseta aride, Salamanque illuminée, quelle joie !
O villes ! lieux humains par excellence, maisons, palais, maisons communes, temples ou basiliques, rues et commerces, places, écoles, théâtres, musées !
Au bord se tiennent les ateliers. Autour, autrefois, les remparts, protection contre les hordes sauvages (ce temps reviendra-t-il ?).
Nous entrons dans la ville et nous en goûtons les merveilles.
L’art et le savoir s’y déploient ; et, si les choses vont bien, c’est gaîté fraternelle, échange, rencontre, longues conversations autour d’une table ou dans les jardins.
Elles sont devenues monstrueuses, millions et millions d’humains entassés. Non plus le corps bien bâti d’une société humaine, mais d’énormes cancers.
Tout leur bruit n’est que néant. Toute leur électricité finit par servir la ténèbre. Les fantômes qui grouillent dans cette cuve n’ont plus que l’écorce humaine. Dedans est l’absence.
L’iniquité y est absolue. La férocité humaine n’y a plus l’excuse du manque. L’énorme poubelle où se gâchent nourriture et produits est juste à côté des affamés, qui n’ont droit qu’à se regarder mourir. »
Maurice Bellet : Minuscule traité acide de spiritualité, (Bayard, septembre 2010) (p. 46)