(…) je songe au sort que l’air du temps réserve aux chrétiens. Je parle ici, non point de « persécution » à proprement parler (ce serait idiot), mais de cette dérision goguenarde qui court dans l’époque et agite les médias, principalement à gauche, où se situent la plupart de mes amis.
On aime y désigner le croyant qui s’affiche comme un zombie archaïque, amputé d’une part de lui-même, voué à une crédulité qui prête à sourire quand elle ne déchaîne pas l’hostilité. Dans les milieux philosophiques ou scientifiques, la mise à l’écart est de rigueur.
Comment pourrait-il prétendre penser rationnellement celui qu’émeuvent encore ces « fables » ? Peuvent-ils se poser en interlocuteurs et en chercheurs à part entière ceux qui n’ont pas réussi à rompre une fois pour toutes avec cet héritage de superstitions, ou n’ont pas souhaité le faire ? Pensez donc ! Se préoccuper encore de sens, d’ontologie, de métaphysique ! (…)
Non, c’est la superbe et la condescendance le plus souvent incultes - pour ne pas dire ignares - de certains réquisitoires contemporains qui m’irritent, surtout lorsqu’ils sont intimement reçus comme des blessures par les hommes et les femmes que je rencontre. Ces réquisitoires n’ont plus rien à voir avec un questionnement ou une controverse documentée. Ils procèdent de l’injonction haineuse, assez proche, au fond, de ce que furent les anathèmes idéologiques du XXe siècle (« Les vipères lubriques », « Tout anticommuniste est un chien ! », etc.).
On voudrait convaincre les chrétiens non seulement qu’ils sont « réacs », pour reprendre un substantif à la mode, mais qu’ils sont désormais exclus de l’histoire des idées. Ils sont out ou irrémédiablement « en baisse », comme on dit dans les hebdomadaires.
J.C. Guillebaud, « comment je suis redevenu chrétien » p. 14-17