Notre tâche humaine est de créer l’homme, c’est-à-dire de faire que l’homme soit. Vous ne me direz pas que l’homme est. Quel est celui d’entre nous qui oserait se lever pour dire : moi je suis un homme ? Quand je vois un petit bébé dans les bras de sa maman, je complimente la maman et je lui dis : il est magnifique, j’espère que vous allez en faire un homme !
Or, ce qui est absolument évident quand il s’agit d’un bébé est vrai de tout homme à tout âge. Il y a des choses qui sont toutes faites mais l’homme n’est pas une chose, l’homme est à faire. Nos relations et nos institutions doivent devenir véritablement humaines, elles sont en cours d’humanisation.
Nous sommes hommes en devenir, ce sont nos décisions qui contribuent à faire que nous soyons des hommes.
Et nos décisions ne sont vraiment humaines que si elles sont humanisantes. Notre humanité passe par l’humanité des autres, notre liberté passe par la libération des autres. On ne devient pas tout seul un homme libre, cela n’existe pas. On devient soi-même un homme libre quand on travaille à libérer ses frères. On devient plus homme en travaillant à ce que le monde soit plus humain.
Des décisions humanisantes qui sont des morts à l’égoïsme
Ces décisions humanisantes, il est rare qu’elles ne soient pas des sacrifices, des morts à l’égoïsme, on ne peut à la fois se donner et se garder pour soi. Tout le monde le sait par expérience qu’il n’y a pas de vie humaine humanisante authentique sans sacrifice. Mais ce que les incroyants ne savent pas et que nous, nous devons savoir (puisque c’est pour cela que nous sommes chrétiens), c’est que chacune de ces décisions humaines humanisantes qui font mourir en quelque sorte notre égoïsme est un passage à la vie divine, chacune de ces morts partielles est une nouvelle naissance. C’est la décision qui a une structure pascale, une structure de mort et de résurrection.
Car nous ne passons pas à la vie divine après la mort.
Je vous supplie d’éliminer de votre esprit cette idée que Dieu verse dans notre âme une liqueur que l’on appellerait la grâce et qui nous permettrait d’être transportés après la mort dans un beau jardin qu’on appelle le paradis. Tout cela est de la mythologie : franchement, ce n’est pas le moment !
La vie divine, la vie éternelle, la divinisation n’est pas seulement la vie future, elle est déjà maintenant. On devient ce qu’est Dieu, on « va au ciel » , par chacune des décisions humanisantes.
François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p 46