Quand on aborde un tel sujet, il faut à tout prix renoncer à toute imagination. Je sais bien que c’est très difficile, étant donné que nous sommes plus prompts à imaginer les choses qu’à les concevoir ; et, lorsque nous ne parvenons pas à imaginer, nous déclarons que nous ne comprenons pas.
Il y a donc un effort sérieux à accomplir pour mortifier absolument l’imagination. Pas plus qu’on ne peut imaginer Dieu, on ne peut imaginer son action créatrice, l’acte par lequel il crée le monde.
Il faut également mortifier notre curiosité, même intellectuelle, car la Révélation ne porte pas sur des vérités propres à satisfaire la curiosité des hommes sur Dieu. Le christianisme n’est pas une philosophie, la Révélation ne se situe pas au plan de l’explication des choses, elle éclaire notre marche vers Dieu, ce qui est tout à fait différent. La Révélation nous dit quelque chose de Dieu et quelque chose de l’homme dans la mesure où cela est nécessaire à la vérité de notre relation vivante, réelle avec Dieu.
Il est donc absolument indispensable de bien comprendre la différence entre explication et signification. Car la foi ne se situe jamais au plan de l’explication scientifique et philosophique, mais toujours au plan de la signification, c’est-à-dire du sens de notre existence.
Cette distinction est absolument essentielle et le tort de beaucoup est de demander à la religion des renseignements qui relèvent de la science. Ce n’est pas la religion qui vous dit que l’eau gèle à 0° ou que la somme des angles d’un triangle est égale à 180°.
J’imagine un homme, véritable super-cerveau, compétent en beaucoup de disciplines, qui a l’explication du monde autant qu’il est possible à un homme de l’avoir. Si sa femme vient à le trahir, ce savant est capable de se suicider parce que, pour lui, la vie n’a plus de signification, n’a plus de sens ; il n’a plus de raison de vivre. Le sens de sa vie n’était pas l’explication qu’il trouvait dans les sciences mais l’amour de sa femme.
Le christianisme n’est pas fait pour expliquer le monde.
François Varillon, extraits de ses conférences
cf « Joie de croire, joie de vivre », p. 144