Pas d’opposition entre le judéo-christianisme et la science

Force est de reconnaître que cette opposition frontale, sans merci, entre le scientifique et le religieux est une façon toute récente de présenter les choses.

Le dernier exemple que j’ai envie d’évoquer concerne notre rapport à la science. Comme la plupart des gens de ma génération, j’ai longtemps cru que le religieux en général et le judéo-christianisme en particulier étaient dans un rapport d’adversité avec la science, et même la simple rationalité. Je n’étais pas loin de reprendre à mon compte cette opposition binaire, dualiste, si je puis dire, entre Dieu et la science, entre croire et savoir.

Et, comme tout le monde, je gardais en tête quelques choix historiques désastreux - voire criminels - faits par l’Eglise catholique : la condamnation de Galilée en 1633, celle Giordano Bruno, brûlé vif en 1600 sur le Campo dei Fiori à Rome, pour ne citer que ces deux-là. À mes yeux, les progrès de la connaissance scientifique, comme ceux de la liberté individuelle, n’avaient été rendus possibles que par le truchement d’une opposition résolue et un rejet de l’« obscurantisme religieux ».

C’est peu à peu, au fil de mon travail, que cette certitude s’est défaite dans mon esprit. La lecture de plusieurs philosophes des sciences, voire de certains scientifiques, m’a aidé à comprendre que les choses n’étaient pas si simples. Bien sûr, les affaires Giordano Bruno ou Galilée sont bel et bien des catastrophes criminelles, et les repentances (tardives) de l’Église au sujet de Galilée sont justifiées. Il est à noter que l’Église ne s’est jamais excusée d’avoir condamné Bruno.

Mais comment ne pas se souvenir, dans le même temps, que les jésuites ont été parmi les plus audacieux et les meilleurs astronomes ; que la plupart des expériences astronomiques se déroulaient dans les Églises ; qu’à toutes les époques, « jusqu’à aujourd’hui, certains prélats ont été de grands scientifiques ; que des innovateurs radicaux comme Newton se passionnaient tout autant pour la théologie, etc.

Pour dire les choses autrement, force est de reconnaître que cette opposition frontale, sans merci, entre le scientifique et le religieux est une façon toute récente de présenter les choses. Un auteur comme le physicien Jean-Marc Lévy-Leblond, qui dirige au Seuil la collection « Science ouverte », a été un précieux guide dans mes avancées prudentes mais enthousiastes sur le terrain de l’épistémologie ou celui de l’histoire des sciences.

J.C. Guillebaud, « Comment je suis redevenu chrétien » p. 90-92

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